ALEXANDRE DUMAS FILS - LA DAME AUX CAMÉLIAS (EXTRAIT)

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(...) Vous savez ce que c’est que d’aimer une femme, vous savez comment s’abrègent les journées, et avec quelle amoureuse paresse on se laisse porter au lendemain. Vous n’ignorez pas cet oubli de toutes choses, qui naît d’un amour violent, confiant et partagé. Tout être qui n’est pas la femme aimée semble un être inutile dans la création. On regrette d’avoir déjà jeté des parcelles de son cœur à d’autres femmes, et l’on n’entrevoit pas la possibilité de presser jamais une autre main que celle que l’on tient dans les siennes. Le cerveau n’admet ni travail ni souvenir, rien enfin de ce qui pourrait le distraire de l’unique pensée qu’on lui offre sans cesse.      Chaque jour on découvre dans sa maîtresse un charme nouveau, une volupté inconnue.      L’existence n’est plus que l’accomplissement réitéré d’un désir continu, l’âme n’est que la vestale chargée d’entretenir le feu sacré de l’amour. (Alexandre Dumas fils - La Dame aux camélias - Chapitre XVIII - Éditeur A. Lebègue) ALEXANDRE DU

PHILIPPE CLAUDEL – DE QUELQUES AMOUREUX DES LIVRES... (EXTRAIT)


Il y eut ainsi, depuis des siècles, vivant dans une opaque et insoupçonnable solitude, des créatures qui pensaient que ce qui sourdait de leur cerveau et se traduisait en un assemblage de mots pouvait à l’humanité servir. La consoler, l’émouvoir, l’éclairer. On pardonna beaucoup au péché d’orgueil qui animait ces êtres. On les écouta souvent. On les célébra parfois. On donna à des avenues leurs noms. On sculpta dans le marbre et le bronze leur visage et leurs mains. On les coucha dans de grands dictionnaires, des encyclopédies. Il fallait bien voir leurs efforts se prolonger d’un écho. Mais au vrai, ils ne servirent à rien qu’à distraire les mortels de leur temps. Et leurs livres sont comme des mues tombées dans les siècles aveugles et sourds. Car rien jamais ne change l’homme. Rien ne remodèle la pâte dont il est fait, pour une fois et pour toujours. L’Histoire n’existe pas. Le Temps n’est qu’une illusion qui est l’autre nom de l’espoir. Car il en faut bien un. Sinon quoi ? Mais comment dire cela à l’enfant quand il s’avance dans l’âge de comprendre. Nous sommes les dépositaires de l’éternel mensonge. Nous le prolongeons. Le monde est une brume de chaleur qui s’élève dans le coeur d’un été qui n’est pas un été, mais le rêve de ce que pourrait être un été, s’il existait, s’il existait vraiment, ailleurs que dans les livres qui sont les matières fragiles de nos mémoires. 

(Philippe Claudel – Des quelques amoureux des livres... (2015) Francia, Editorial: Finitude)

 

PHILIPPE CLAUDEL – DE ALGUNOS ENAMORADOS DE LOS LIBROS... (FRAGMENTO)

Hubo así, desde siglos, viviendo en una opaca e insospechable soledad, criaturas que pensaban que lo que brotaba de sus cerebros, y se traducía en un conjunto de palabras, podía servir a la humanidad. Consolarla, emocionarla, iluminarla. Se perdonó mucho el pecado del orgullo que animaba a esos seres. Se les escuchó a menudo. Se les celebró a veces. Se les dio a las avenidas sus nombres. Se esculpió en mármol y bronce sus rostros y sus manos. Se les registró en grandes diccionarios y enciclopedias. Habría que ver bien sus esfuerzos prolongarse en el eco. Pero en realidad, no sirvieron para nada, salvo para distraer a los mortales de su tiempo. Y sus libros son como mudas caídas en los siglos ciegos y sordos. Porque nada, jamás, cambia al hombre. Nada remodela la masa de la que está hecha ni una vez ni para siempre. La Historia no existe. El Tiempo no es más que una ilusión que es el otro nombre de la esperanza. Porque se necesita uno. Si no, ¿qué? Pero, ¿cómo decir esto al niño cuando llegue a la edad de comprender? Somos los guardianes de la eterna mentira. Nosotros lo continuamos. El mundo es una bruma de calor que se eleva en el corazón de un verano que no es verano, sino el sueño de lo que podría ser un verano, si existiese, si existiese verdaderamente, en otra parte los libros que son las materias frágiles de nuestras memorias.   

(Traducción: Abraham Rojas Vargas y Flor Vargas Benavente)  







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