CHRISTIANE ROCHEFORT - LES STANCES À SOPHIE (EXTRAIT)
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Pourquoi ne te
laisses-tu pas pousser les cheveux ? disait Philippe – 1 mètre 82, blond,
yeux pervenche, nez adorable, bouche volontaire, front vaste et intelligent,
etc. –je t’aimerais tellement mieux avec des cheveux que sans, au moins tu
aurais l’air d’une femme, pourquoi as-tu encore mis des pantalons, tu sais
pourtant que je te préfère en robe, si tu m’aimes disait Philippe, ne peux-tu
me faire ce petit plaisir-ci. Et ce petit plaisir-là. Cela ne devrait pas te coûter
si tu m’aimes disait Philippe, à quelle heure t’est-tu couchée hier, et pour
faire quoi si ce n’est pas indiscret, à mon avis tu perds ton temps à te farcir
la tête avec des tas de bouquins dont tu ne retiens pas un traître mot. Par
contre tu n’as pas recousu ce bouton, là, à ta veste, qui manque, ne prends pas
l’air surpris je te l’ai déjà fait remarquer la semaine dernière, c’est le même
je le reconnais. Et moi qui sors d’habitude avec des filles toujours pimpantes,
tirées à quatre épingles ! Moi qui aimerais tant être fier de te
montrer ! C’est pour toi ce que j’en dis tu sais, si je ne m’intéressais
pas à toi ça me serait égal que ta façon de vivre te conduise à la catastrophe,
je me contenterais de prendre du bon temps avec toi comme le font la plupart
des hommes avec les filles qui se disent libres, comme toi, trop contents
qu’ils sont que vous aspiriez à cette liberté-là, ah ah ! pour eux c’est
bien pratique et quelle économie, d’ailleurs tu dois en avoir fait l’expérience
puisque tu en as tant fait. Mais il se trouve que moi je m’intéresse à toi
c’est différent, alors j’essaye de t’aider, disait Philippe, toi de ton côté tu
devrais faire un effort aussi, tiens ta fourchette dans l’autre main, ne ris
pas comme ça c’est vulgaire, ne fais pas des boulettes c’est sale, tiens-toi
droite tu fumes trop tu te noircis les dents ne bois pas tant ce n’est pas bien
pour une femme, tu n’as pas bonne mine tu devrais voir un docteur, Pourquoi ne
cherches-tu pas un vrai travail au lieu de faire trente-six choses qui ne te
mènent à rien, ton insouciance me navre, où te conduira-t-elle, tu te ruineras
la santé avec tous ces cafés-crèmes, Promets-moi que demain tu te coucheras à
minuit, pour me faire plaisir, disait Philippe, si tu ne le fais pas pour toi
fais-le au moins pour moi, je me demande ce que tu fabriques au milieu de cette
bande de ratés, qu’est-ce que tu leur trouves ? Ces gens-là ne sont pas
pour toi, tu vaux tout de même mieux que ça, si tu voulais me faire un grand
plaisir tu cesserais de les voir ; si tu m’aimes disait Philippe, ne
peux-tu faire ceci, qui me plaît, et ne pas faire cela, qui ne me plaît pas
? Ce n’est pourtant pas compliqué. Disait Philippe, et moi je l’écoutais bouche
bée, je buvais ses paroles. Je leur trouvais un sens.
(Christiane Rochefort – Les stances à Sophie (1963) Francia,
Editorial Grasset)
CHRISTIANE ROCHEFORT – LAS ESTANCIAS PARA SOFÍA (FRAGMENTO)
¿Por qué no te dejas crecer los
cabellos? Decía Philippe -1 metro 82, rubio, ojos azules, nariz adorable, boca
firme, frente amplia e inteligente, etc.- Te amaría muchísimo más con cabellos
que sin ellos, al menos lucirías como una mujer. ¿Por qué tienes aún puesto esos
pantalones? Sabes, sin embargo, que yo te prefiero con vestido. Si tu me amas,
decía Philippe, ¿por qué no puedes darme este pequeño gusto? Y ese pequeño
gusto. Eso no debería costarte si tu me amas, decía Philippe. ¿A qué hora te
has acostado ayer? ¿Y haciendo qué?, si
no es mucha indiscreción. En mi opinión, pierdes el tiempo llenandote la cabeza
con un montón de libros de los cuales no retienes ni una palabra. En cambio, no
has cosido ese botón que te falta, ahí, en tu saco. No te hagas la sorprendida
que ya te lo he hecho notar la semana pasada. Es el mismo, me doy cuenta. ¡Y yo que suelo salir con chicas siempre
elegantes y de punta en blanco! ¡Me gustaría tanto poder estar orgulloso de
mostrarte! Es por ti lo que digo, tú sabes. Si yo no me interesaría en ti, me
daría igual que tu manera de vivir te lleve al desastre, yo me conformaría con
pasar un buen rato contigo como lo hace la mayoría de los hombres con las
chicas que se dicen libres, como tú, tan contentos que están que ustedes
aspiren a esa libertad, ¡ah, ah! Para ellos es bien práctico y qué económico,
de hecho tú debes haberlo experimentado ya que has hecho tanto, pero resulta
que estoy interesado en ti, es diferente, por ello trato de ayudarte, decía
Philippe, por tu parte tu deberías hacer un esfuerzo también, sostén tu tenedor
con la otra mano, no te rías así es vulgar, no hagas bolitas, es sucio, ponte
derecho, fumas demasiado, te negreas los dientes, no bebas tanto, no es bueno
para una mujer, no tienes buen aspecto, deberías ver un doctor, ¿por qué no
buscas un trabajo de verdad en vez de hacer treinta y seis cosas que no te
llevan a nada?, tu dejadez me consterna, ¿a dónde te llevará?, te arruinarás la
salud con todos esos café-crèmes,
prométeme que mañana te acostarás a medianoche, para complacerme, decía
Philippe, si tú no lo haces por ti, al menos hazlo por mí, me pregunto ¿qué haces
en medio de ese montón de fracasados?, ¿qué les ves? Esa gente no es para ti,
tú vales más que eso, si quisieras complacerme de verdad tú dejarías de verlos;
si tú me amas, decía Philippe, ¿no puedes hacer esto que me place y dejar de
hacer aquello que me disgusta? No es complicado. Decía Philippe, y yo lo
escuchaba desconcertada, bebía sus palabras. Les encontraba un sentido.
(Traducción: Abraham Rojas Vargas y Flor Vargas Benavente)
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