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ALEXANDRE DUMAS FILS - LA DAME AUX CAMÉLIAS (EXTRAIT)

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(...) Vous savez ce que c’est que d’aimer une femme, vous savez comment s’abrègent les journées, et avec quelle amoureuse paresse on se laisse porter au lendemain. Vous n’ignorez pas cet oubli de toutes choses, qui naît d’un amour violent, confiant et partagé. Tout être qui n’est pas la femme aimée semble un être inutile dans la création. On regrette d’avoir déjà jeté des parcelles de son cœur à d’autres femmes, et l’on n’entrevoit pas la possibilité de presser jamais une autre main que celle que l’on tient dans les siennes. Le cerveau n’admet ni travail ni souvenir, rien enfin de ce qui pourrait le distraire de l’unique pensée qu’on lui offre sans cesse.      Chaque jour on découvre dans sa maîtresse un charme nouveau, une volupté inconnue.      L’existence n’est plus que l’accomplissement réitéré d’un désir continu, l’âme n’est que la vestale chargée d’entretenir le feu sacré de l’amour. (Alexandre Dumas fils - La Dame aux camélias - Chapitre XVIII - Éditeur A. Lebègue) ALEXANDRE DU

FRÉDÉRIC BEIGBEDER - L'AMOUR DURE TROIS ANS (EXTRAIT)

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     Je pense à toi tout le temps. Je pense à toi le matin, en marchant dans le froid. Je fais exprès de marcher lentement pour pouvoir penser à toi plus longtemps. Je pense à toi le soir, quand tu me manques au milieu des fêtes, où je me saoule pour penser à autre chose qu'à toi, avec l'effet contraire. Je pense à toi quand je te vois et aussi quand je ne te vois pas. J'aimerais tant faire autre chose que penser à toi mais je n'y arrive pas. Si tu connais un truc pour t'oublier, fais le moi savoir. Je viens de passer le pire week-end de ma vie. Jamais personne ne m'a manqué comme ça. Sans toi, ma vie est une salle d'attente. Qu'y a-t-il de plus affreux qu'une salle d'attente d'hôpital, avec son éclairage au néon et le linoléum par terre? Est-ce humain de me faire ça? En plus, dans ma salle d'attente, je suis seul, il n'y a pas d'autres blessés graves avec du sang qui coule pour me rassurer, ni de magasines sur une table basse pou

MAURICE ROLLINAT - LE MONSTRE

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En face d’un miroir est une femme étrange Qui tire une perruque où l’or brille à foison, Et son crâne apparaît jaune comme une orange Et tout gras des parfums de sa fausse toison.   Sous des lampes jetant une clarté sévère Elle sort de sa bouche un râtelier ducal, Et de l’orbite gauche arrache un œil de verre Qu’elle met avec soin dans un petit bocal.   Elle ôte un nez de cire et deux gros seins d’ouate Qu’elle jette en grinçant dans une riche boîte, Et murmure : « Ce soir, je l’appelais mon chou ;   « Il me trouvait charmante à travers ma voilette ! « Et maintenant cette Ève, âpre et vivant squelette, « Va désarticuler sa jambe en caoutchouc ! »   (« Maurice Rollinat – Les Névroses (1917) Francia, Eugene Fasquelle, Editeur »)   MAURICE ROLLINAT - EL MONSTRUO   Frente al espejo hay una mujer extraña Que se arranca una cabellera en oro, Su cráneo amarillo es como naranja con una melena de perfume aceitoso.   Bajo lámparas arrojando u

MAURICE ROLLINAT - LE SOMNAMBULE

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À Gustave Coquelin. Le chapeau sur la tête et la canne à la main, Serrant dans un frac noir sa rigide ossature, Il allait et venait au bord de la toiture, D’un air automatique et d’un pas surhumain. Singulier promeneur, spectre et caricature, Sans cesse, il refaisait son terrible chemin. Sur le ciel orageux, couleur de parchemin, Il dessinait sa haute et funèbre stature.   Soudain, à la lueur d’un éclair infernal, Comme il frisait le vide en rasant le chenal Avec le pied danseur et vif d’un funambule, L’horreur emplit mon être et figea tout mon sang, Car un grand chat d’ébène hydrophobe et grinçant Venait de réveiller le monsieur Somnambule. (« Maurice Rollinat – Les Névroses (1917) France, Eugène Fasquelle, Editeur ») MAURICE ROLLINAT – EL SONÁMBULO A Gustave Coquelin. Sombrero sobre la testa y bastón en mano, Cubriendo su osamenta dura con frac negro, Iba y venía al borde del viejo techo, Con aspecto maquinal y paso sobrehumano.   Raro

SAINT-AMANT – LA DÉBAUCHE (EXTRAIT)

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  Nous perdons le temps à rimer, Amis, il ne faut plus chômer; Voici Bacchus qui nous convie À mener bien une autre vie; Laissons là ce fat d’Apollon, Chions dedans son violon, Nargue du Parnasse et des Muses, Elles sont vieilles et camuses; Nargue de leur sacré ruisseau, De leur archet, de leur pinceau, Et de leur verve poétique, Qui n’est qu’une ardeur frénétique; Pégase enfin n’est qu’un cheval, Et pour moi je crois, cher Laval  [1] , Que qui le suit et lui fait fête, Ne suit et n’est rien qu’une bête. Morbleu ! comme il pleut là dehors ! Faisons pleuvoir dans notre corps Du vin, tu l’entends sans le dire, Et c’est là le vrai mot pour rire; Chantons, rions, menons du bruit, Buvons ici toute la nuit, Tant que demain la belle aurore    Nous trouve tous à table encore.   (« Marc-Antoine Girard, sieur de Saint-Amant – La débauche ». En : Anthology of Modern French Literature (1957). New York : Henry Holt and Company) [1]  Frie

CHRISTIANE ROCHEFORT - LES STANCES À SOPHIE (EXTRAIT)

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Pourquoi ne te laisses-tu pas pousser les cheveux ? disait Philippe – 1 mètre 82, blond, yeux pervenche, nez adorable, bouche volontaire, front vaste et intelligent, etc. –je t’aimerais tellement mieux avec des cheveux que sans, au moins tu aurais l’air d’une femme, pourquoi as-tu encore mis des pantalons, tu sais pourtant que je te préfère en robe, si tu m’aimes disait Philippe, ne peux-tu me faire ce petit plaisir-ci. Et ce petit plaisir-là. Cela ne devrait pas te coûter si tu m’aimes disait Philippe, à quelle heure t’est-tu couchée hier, et pour faire quoi si ce n’est pas indiscret, à mon avis tu perds ton temps à te farcir la tête avec des tas de bouquins dont tu ne retiens pas un traître mot. Par contre tu n’as pas recousu ce bouton, là, à ta veste, qui manque, ne prends pas l’air surpris je te l’ai déjà fait remarquer la semaine dernière, c’est le même je le reconnais. Et moi qui sors d’habitude avec des filles toujours pimpantes, tirées à quatre épingles ! Moi qui aimerais tan

PHILIPPE CLAUDEL – DE QUELQUES AMOUREUX DES LIVRES... (EXTRAIT)

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Il y eut ainsi, depuis des siècles, vivant dans une opaque et insoupçonnable solitude, des créatures qui pensaient que ce qui sourdait de leur cerveau et se traduisait en un assemblage de mots pouvait à l’humanité servir. La consoler, l’émouvoir, l’éclairer. On pardonna beaucoup au péché d’orgueil qui animait ces êtres. On les écouta souvent. On les célébra parfois. On donna à des avenues leurs noms. On sculpta dans le marbre et le bronze leur visage et leurs mains. On les coucha dans de grands dictionnaires, des encyclopédies. Il fallait bien voir leurs efforts se prolonger d’un écho. Mais au vrai, ils ne servirent à rien qu’à distraire les mortels de leur temps. Et leurs livres sont comme des mues tombées dans les siècles aveugles et sourds. Car rien jamais ne change l’homme. Rien ne remodèle la pâte dont il est fait, pour une fois et pour toujours. L’Histoire n’existe pas. Le Temps n’est qu’une illusion qui est l’autre nom de l’espoir. Car il en faut bien un. Sinon quoi ? Mais com